Les compositeurs d'aujourd'hui :
Comment travaillent-ils ? Qu'expriment-ils à travers leurs œuvres ? Pour tenter de pallier au manque de documentation sur les jeunes compositeurs et leurs musiques, l'Ircam qui accueille chaque saison des dizaines de créateurs du monde entier lance une série de monographies. Au rythme de trois numéros par an, elles répondront a un même schéma de hase : point de vue personnel du compositeur, parcours, analyse d'une œuvre représentative, catalogue.
Michael Jarrell, chef de file des jeunes compositeurs suisses, commence ses études avec Eric Gaudibert à Genève, sa ville natale, avant de se rendre à Fribourg, en Allemagne, où il complète sa formation avec son compatriote Klaus Huber. Paris l'accueille de 1986 â 1988 (période de ses premiers contacts avec l'Ircam), puis Rome, de 1988 à 1990. Nommé en 1991 compositeur résident de l'Orchestre national de Lyon, il vit actuellement près de Karlsruhe en Allemagne. Parallèlement, il poursuit des projets de composition et de recherche à l'Ircam.
Les Cahiers de l'Ircam
Collection Compositeurs d'aujourd'hui
n°1, Paris, 1992, 87 pages
Coïncidence troublante: la création mondiale de Galilée, opéra de Michael Jarrell, le 25 janvier 2006, s'est déroulée à quelques jours de la découverte de la première planète qui, en dehors de notre système solaire, possèderait des caractéristiques communes avec la Terre. Après Dérives, opéra de chambre de 1985, et le monodrame Cassandre de 1994, Michael Jarrell s'affirme avec Galilée comme un auteur qui compte sur la scène lyrique actuelle.
L'écriture musicale de Galilée évite toute référence passéiste et soutient une vision pessimiste de la pièce originale de Bertolt Brecht. En supprimant les scènes du carnaval et de la peste, le livret, signé par Jarrell lui-même, se concentre sur Galilée. Son aspect bon vivant est gommé pour mieux affirmer sa déchéance physique et intellectuelle. Il est important de souligner l'interprétation de Claudio Otelli: d'une présence scénique remarquable (quel regard!), le baryton italien incarne un Galilée d'exception. Le reste de la distribution est à l'avenant. Soulignons également que de nombreux chanteurs s'autorisent ici à phraser, ne se limitant pas à une exécution purement techniciste, encore si courante en musique contemporaine. Seul un manque de projection crée pour certains quelques soucis d'équilibre. Elzbieta Szmytka (Virginia, fille de Galilée) déploie un vibrato des plus expressifs et Hans-Jürg Rickenbacher (le petit moine) révèle une belle clarté de timbre et d'émission. L'Andrea (adulte) de Peter Bording est déterminé et engagé. Une autre bonne surprise est venue de la fosse: l'Orchestre de la Suisse Romande, qui connaît mieux son Brahms que son Boulez, n'a pas démérité en livrant une interprétation précise et soignée, sous la houlette experte de Pascal Rophé.
Revue Musicale de Suisse Romande
n°59-1, mars 2006, 64 pages
Contrairement à la structure de la pièce, bien délimitée en 15 scènes encadrées de chansons-frontispices, Michael Jarrell a conçu son opéra comme un flux ininterrompu de 12 scènes, cherchant à saisir les moindres nuances et évolutions des différents personnages mis en scène par Brecht. Son écriture n'est pas soumise à un seul et unique principe de composition, mais elle tente de trouver pour chaque situation une manière idoine de rendre cette dernière à la fois théâtrale et musicale, dans sa forme comme dans son expressivité propre. L'orchestre développe ainsi tantôt des textures diaphanes, tantôt des effets de masses, le traitement de la voix s'avere extremement diversifié, du parlé le plus sec au chant le plus lyrique, et certaines superpositions (de répliques ou de scènes) cherchent à rendre l'aspect parfois désordonné et foisonnant de la réalité, en y puisant toujours une intense musicalité.
Grand théâtre de Genève
Programme de la saison 2006-2006
Genève, 2005, 94 pages
Arranger, c'est transcrire : de l'orchestre au piano, du piano à l'orchestre, de tel effectif instrumental à tel autre. Cette pratique, qui a connu son « âge d'or » au XIXe siècle, a largement déserté le paysage de la musique dite « contemporaine ». Pourquoi ? Et pourquoi certains continuent-ils d'arranger malgré tout ? C'est que l'arrangement dérange. Il dérange la stabilisation des œuvres, leur rigidification en formes canoniques. Il prend le parti de les rendre plastiques : élastiques, déformables, en vue d'une autre expérience d'écoute.
Michael Jarrell : L'orchestration comme art de mentir
(à propos des Trois Etudes de Debussy), pp. 105-116
Les vingt entretiens ont été réalisé avec Christophe Delz, Jean-Jacques Dünki, Roland Moser, Balz Trümpy, Williman Blank, Ulrich Gasser, Martin Derungs, Geneviève Calame, Sergio Menozzi, Renzo Rota, Francesco Hoch, Jacques Demierre, Pierre Thoma, André Richard, Michael Jarrell, Fritz Voegelin, Jean-Claude Schlaepfer, Jorge Pepi, Regina Irman, Mario Pagliarani. Les entretiens sont suivis d'une courte biographie de chaque compositeur.
Revue Musicale de Suisse Romande
Numéro spécial, 1994, 135 pages
Genesis
Manuscrits - Recherche - Invention
Numéro 4, juillet 1993, 135 pages
Né en 1958, Michael Jarrell garde le souvenir d'une enfance heureuse passée dans ce qui était alors pour lui « un petit paradis » : la Suisse. La relation qu'il entretient avec son pays natal n'est pas évidente. « Je me sens suisse », affirme-t-il sans détours en évoquant en référence certains compatriotes tels Tinguely, Giacometti ou Le Corbusier, dont il se sent incontestablement proche. Mais Jarrell regrette que « la Suisse romande vive à l'ombre de Paris, tout comme la partie alémanique par rapport aux pays germaniques et plus encore le Tessin par rapport à l'Italie ». La justesse de son analyse tient sans doute au cosmopolitisme de son parcours. Avant de partir étudier avec Klaus Huber à Freiburg, Jarrell a fréquenté le Conservatoire Populaire de Genève. Un choix iconoclaste qu'il justifie en invoquant « l'archaïsme » du Conservatoire Supérieur dans les années 70. Son professeur de composition, Eric Gaudibert, se souvient d'un étudiant qui « se faisait remarquer par sa personnalité » et se rappelle notamment de l'une de ses partitions, de style espagnol, « sans altérations »! Le compositeur veveysan évoque encore ces « années économiquement fastes » qui lui ont permis de créer nombre de disciplines originales, parmi lesquelles l'improvisation de groupe...
Revue Musicale de Suisse Romande
n°55-4, décembre 2002, 56 pages