Les œuvres de Michael Jarrell sont éditées aux Editions Henry Lemoine :
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France
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Music for a While fait directement référence à une aria de Henry Purcell extraite du drame musical "Oedipe". A l'origine, il y avait cette idée de l'éphémère qui me préoccupait : elle devait constituer l'âme de la pièce. Je voulais composer une musique de l'instant qui se ré-invente constamment, une musique qui se renouvelle en permanence, toujours en référence à son appartenance. J'avais déjà commencé la pièce lorsque j'ai décidé d'y adjoindre une sorte de prologue dans lequel j'ai souhaité établir un lien direct avec la musique de Purcell : j'ai donc emprunté et transformé les 4 premières mesures du continuo de l'aria de Purcell. Peu à peu, ce fragment est devenu le fondement de Music for a while.
Music for a while a été composé à l'attention de l'Ensemble Klangforum et dédié à Klaus Huber pour son 70e anniversaire.
Michael Jarrell
La présence textuelle dans Music for a While est davantage d'ordre métaphorique, dans la mesure où le texte auquel la pièce fait référence - l'air éponyme de Purcell - est de nature musicale. Rien n'empêche cependant d'imaginer que la substance littéraire qui a inspire le compositeur d'Oedipus Rex n'ait pu, après sa transmutation musicale, influer à son tour sur Jarrell. Music for a While, écrite après une première année viennoise sans activité compositionnelle, correspond à une remise en cause. Le fait pour lui de quitter le monde francophone et de découvrir une autre réalité musicale aura amené le compositeur à "relativiser les certitudes locales". Sans doute est-ce cette relativisation qui lui aura permis d'oser. Oser partir d'une basse obstinée en la mineur pour construire toute une oeuvre. Le lien avec cette basse, de nature harmonique au début, appareil aussi sous forme mélodique par la suite. On peut entendre dans un premier temps un déploiement harmonique qui, comme sous l'effet d'une réverbération très longue, tendrait à une accumulation des notes du motif de basse. Ainsi, l'accord initial (la-mi-fa) se voit enrichi d'un si (mes, 5, à l'unisson entre cor, trompette, piano et violon 1) puis d'un fa dièse (mes. 7, piccolo et alto), dans l'ordre donc de leur première apparition dans l'ostinato original.
La basse, toujours présente mais parfois cachée, donne lieu par un jeu de transformations - du fait des développements locaux de ses fragments - à une modification progressive des textures. Ses différents énoncés structurent la pièce : on repère par exemple le début d'une deuxième partie, plus statique que la première, à la mesure 86, ou encore l'intention d'une reprise variée du début (transposée un demi-ton plus bas) à la mes. 251.
Les nombreux passages en notes répétées rapides, signature stylistique qu'on a déjà eu l'occasion de signaler, trouvent ici une variante intéressante sous forme d'accords répétés dans une pseudohomorythmie savamment faussée par de fines divergences - superpositions polyrythmiques. Le procédé n'est pas sans présenter certaines similitudes avec un passage de la pièce orchestrale Stele (1994) de Kurtag. A la mesure 227, une indication assez étrange parce qu'elle est la seule de ce type, "comme du sable mouvant", suggère clairement l'effet que doit produire un décentrage encore plus accusé de ces accords répétés, qui seront plus tard (mes. 291) rétablis dans une présentation rythmique proche de la présentation originale.
Là encore, la dimension harmonique est particulièrement importante. L'ancrage du discours se fait au moyen de notes polaires (la au début, véritable pédale harmonique, puis mi b à partir de la mes. 15, ré à partir de la mes. 29, la b mes. 38), mais aussi par la présence repérable d'accords qui les regroupent (par exemple l'accord à six sons de la mesure 50, première véritable crête dynamique, dont l'accord final ne sera que la transposition au demi-ton inférieur). Comme pour Essaims-cribles, c'est le principe d'une fin évanescente qui est retenu : la reprise ad libitum des dernières mesures associée à un decrescendo progressif n'est qu'une nouvelle figuration du geste "morendo, al mente".
Pierre Rigaudière,
extrait du livret du disque Music for a While (aeon).
1 CD aeon,
Music for a While - Formes-Fragments IIb - ...car le pensé et l'être sont une même chose - Essaims-Cribles
Ensemble Klangforum Wien, Neue vocalsolisten Struttgart, Ernesto Molinari, Emilio Pomarico